Quand l’effet « femme fatale » détourne des poissons mâles de leur couvée !
Des chercheurs ont découvert un phénomène étrange chez les poissons syngnathes, parents des hippocampes. Les mâles « gestants » n’hésiteraient pas à avorter leur couvée lorsqu’ils sont présentés à une femelle plus attirante que leur partenaire. C’est la première fois que ce comportement est observé chez une espèce non mammifère.
« Dans un vieux film de Gene Wilder, [« La fille en rouge », NDLR] une femme attirante vêtue d’une robe rouge détruit le couple d’un homme marié. Nous avons constaté le même effet « femme fatale » chez les poissons syngnathes« , rapportent les chercheurs.
Egalement appelés vipères de mer, les poissons syngnathes sont des « hippocampes droits ». Cette espèce est assez fréquente, notamment sur le littoral français : on peut la trouver au large de la mer du Nord, de la Manche, de l’océan Atlantique, de la Méditerranée ou encore de l’océan Indien. Et comme chez les chevaux de mer, ce sont les mâles qui portent la couvée et qui l’accouchent.
Mais selon une récente étude publiée dans les Proceedings of the Royal Society B, les poissons syngnates n’hésitent pas à réduire leur incubation, voire à avorter partiellement lorsqu’une femelle plus attirante que leur partenaire se présente. En l’occurrence, elles ne sont pas rouges mais simplement plus grandes, et à rayures noires et blanches.
Economiser de l’énergie pour une potentielle union plus attirante
Pour en arriver à cette conclusion, l’équipe a mené plusieurs expériences sur des poissons mâles. « Nous leur avons présenté des femelles plus grandes et plus attirantes que leur partenaire d’origine […] et nous avons mesuré le taux de survie et de croissance des petits« , indiquent les scientifiques.
Ils ont alors observé qu’après avoir été exposés à ces femelles les mâles pondaient « des poissons plus petits et dans des couvées plus hétérogènes« . Les syngnathes ont par ailleurs affiché un taux plus élevé « d’avortements spontanés« . « Les mâles sont capables de réduire leur implication dans la couvée actuelle, lorsque survient la possibilité d’une reproduction future avec une partenaire plus attirante« , résument les scientifiques.
Ainsi, les mâles ne bloqueraient pas l’incubation de tous les oeufs mais se débarrassent tout de même d’une partie de leurs embryons. « Chez cette espèce, le père récupère pour son propre organisme » les nutriments qui auraient dû nourrir les embryons. Les mâles économisent donc de l’énergie en vue d’une union potentielle, qui pourrait lui apporter des petits plus attrayants.
Première observation de l’effet Bruce chez une espèce non mammifère
Si ce phénomène est déjà connu chez certaines espèces de rongeurs et de primates sous le nom d’effet Bruce, cette nouvelle étude en serait le premier exemple chez une espèce non mammifère. Observé en 1959 par la zoologiste britannique Hilda Margaret Bruce, l’effet Bruce veut que certaines femelles enceintes avortent lorsqu’elles sont exposées à un mâle inconnu.
Plusieurs théories sont évoquées pour expliquer le phénomène : la femelle pourrait estimer que le nouveau mâle est supérieur au précédent. En mettant un terme à sa grossesse, elle décide alors d’investir son temps et son énergie en s’accouplant avec ce nouveau mâle qui pourrait lui permettre de concevoir une portée avec les meilleurs gènes possibles.
La femelle pourrait également estimer que le nouveau mâle constitue une menace pour ses futurs petits. Ou encore, l’avortement pourrait profiter uniquement au nouveau mâle, qui pourrait alors s’accoupler avec une femelle redevenue disponible après 1 à 4 jours. Pour l’heure, aucune théorie ne semble tirer son épingle du jeu pour résoudre le mystère.