Les fonds marins sont peuplés de créatures toutes plus étranges les unes que les autres, qui se révèlent grâce à la multiplication des explorations scientifiques dans ces lieux reculés. L’expédition du navire de recherche RV Investigator, exploité par le Organisation de recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO) en est le parfait exemple: pendant 35 jours sur 10 000 kilomètres à travers les îles Cocos, les territoires les plus reculés d’Australie, des biologistes ont filmé les profondeurs hostiles pour tenter d’identifier les reliefs. Ce 3 novembre 2022, le bateau est finalement rentré au port avec un large échantillon de créatures, dont certaines étaient jusqu’alors inconnues des spécialistes.
La plupart de ces espèces vivent dans des eaux profondes de cinq kilomètres, un endroit peu accueillant où la lumière et la nourriture sont rares. Des conditions qui expliquent pourquoi ses habitants sont à la fois si terrifiants et uniques, indique Dianne Bray, directrice principale des collections du musée de l’État australien de Victoria qui se trouvait à bord du navire, interrogée par nos confrères de la Société australienne de radiodiffusion. « Ils sont capables de bioluminescence pour attirer leurs proies, en se cachant ou en se camouflant dans les profondeurs marines, et sont souvent dotés d’organes sensoriels surdimensionnés, ainsi que de grandes bouches aux dents effrayantes afin de rentabiliser chaque repas. »
Grâce à leur grande « chasse au trésor », les scientifiques ont mis au jour ce qu’ils ont appelé un « poisson tripode » (Hommage aux araignées), avec des ailerons inférieurs si longs avec leurs pointes épaisses qu’ils lui permettent de se tenir sur le fond marin comme s’il était sur des échasses – la hauteur idéale pour attraper des crevettes dérivant dans le courant. D’autres, le platax des grands fonds ou platax, de la famille des lottes, ressemblent à des « boules » et se promènent en se poussant au sol grâce à leurs nageoires en forme de bras. Au creux de leur museau, un tout petit leurre est caché pour attirer leur proie. Mais ce ne sont pas ceux qui ont le plus fasciné les chercheurs.
La vedette des découvertes est en effet une anguille aveugle, soupçonnée d’être une nouvelle espèce. « Ces poissons ont de très petits yeux […] ils ressemblent à de petites dépressions dorées dans la peau. Ils ont une peau très lâche, flasque, semblable à de la gelée et sont incroyablement rares. », décrit Dianne Bray. Une autre, surnommée « l’étrange anguille pélican » (Pélécanoïdes d’Eurypharynx), quant à lui, a une petite tête et une peau noire et veloutée, avec d’énormes mâchoires et un estomac extensible pour engloutir de gros repas. Dans la veine des spécimens effrayants, ont également été repérés des « poissons-lézards à grandes nageoires », prédateurs voraces et hermaphrodites aux dents longues.
On a également trouvé dans les profondeurs un viperfish de Sloane (Chauliodus sloani) aux crocs visibles même bouche fermée, une « anguille bécassine élancée » (Nemichthys scolopaceus) avec une longue queue filiforme ou des oursins « crêpes » avec des squelettes qui s’aplatissent hors de l’eau, mais avec des épines vénéneuses. Chacun d’eux a été collecté à l’aide d’un filet immergé dans l’océan pendant 30 minutes, avant d’être remonté et trié par des scientifiques. « Parfois, on y trouve un mélange des nodules géants de manganèse, des poissons et des invertébrés, […] nous n’avons qu’un très petit filet, donc il y a beaucoup plus d’animaux qui y vivent que ce nous ne ramasserons. »
Les spécialistes à bord réalisent également une cartographie 3D des massifs sous-marins à l’aide de sonar et de divers outils. « [Notre cartographie] vient de révéler tout ce monde sous-marin magique de canyons et de crêtes, d’affaissement de sédiments et d’anciens volcans », explique dans un communiqué Tim O’Hara, scientifique en chef du voyage. Aujourd’hui, environ 80% des océans resteraient inexplorés et inexplorés, en raison du coût et du degré de difficulté élevé de telles expéditions sous-marines.
Source : GN Nouvelle