Des chercheurs sont parvenus à établir pourquoi les poissons de la rivière Mara, en Tanzanie, mourraient en masse lors de la saison sèche. En cause, les hippopotames et les quelques 8.000 kilos d’excréments qu’ils déversent chaque jour dans le cours d’eau.
Les berges du Mara, un cours d’eau qui coule dans la réserve nationale du Masai, en Tanzanie, se transforment chaque année en cimetière à ciel ouvert. Durant la saison sèche, les eaux de la rivière gonflent abandonnant ainsi quantité de poissons morts sur ses berges. Un phénomène qui demeurait inexpliqué jusqu’à aujourd’hui.
Une équipe de scientifiques américains a percé le mystère qui entourait ces traces d’une mort massive et ponctuelle. Dans un article publié le 16 mai dernier dans la revue Nature communications, ils ont ainsi démontré que les coupables n’était nuls autres que les hippopotames. Ou plutôt leur régime alimentaire.
Cet animal dévore en effet jusqu’à 40 kilogrammes de matières végétales chaque nuit. Le jour, il reste dans l’eau pour se protéger du soleil et défèque alors allègrement dans le cours d’eau. Or, pas moins de 4.000 de ces animaux vivent dans la rivière Mara, située à la frontière entre le Kenya et la Tanzanie. Chaque jour, se sont ainsi près de 8.500 kilogrammes d’excréments qui sont rejetés dans les eaux.
Des substances toxiques
Pendant la saison sèche, les groupes d’hippopotames se retrouvent confinés dans un volume beaucoup moins important d’eau situé en amont de la rivière. Lorsqu’ils défèquent, les bactéries qui décomposent leurs selles consomment également l’oxygène présent dans l’eau.
Cette activité microbienne produit également des substances chimiques comme l’ammonium, le sulfure d’hydrogène – tous deux potentiellement toxiques pour les poissons – le méthane et le dioxyde de carbone. Une situation qui devient problématique lorsque de fortes pluies s’abattent sur la réserve du Masai élevant ainsi le niveau des bassins où évoluent les hippopotames. Résultat, l’eau anoxique située en amont afflue en aval où évoluent les poissons.
L’eau charriée, qui est appauvrie en oxygène, provoque ainsi une hypoxie temporaire tandis que les excréments encore en décomposition continuent à consommer l’oxygène restant, entraînant ainsi l’étouffement des poissons. Christopher Dutton et Amanda Subalusky, les chercheurs à l’origine de cette étude, ont eu recours à un bateau téléguidé bardé de capteurs afin de rester hors de portée de ces animaux à l’agressivité légendaire. « Vous pouvez placer un filet dans l’eau et en quelques secondes, il sera recouvert d’excréments d’hippopotames. Il y en a partout: sur les rochers et au fond de la rivière », raconte Christopher Dutton dans les colonnes du magazine The Atlantic.
Un processus naturel
Les scientifiques avaient d’abord misé sur les pesticides pulvérisés sur les champs, en amont de la rivière Mara. Il s’agit d’un processus plus « naturel » puisque, comme le note l’équipe, ce processus permet de nettoyer la rivière et constitue, dans le même temps, une source de nourriture pour les autres animaux qui vivent en aval.
Néanmoins, « les résultats des études sont révélateurs des problèmes émergents dans toute l’Afrique, surtout que le réchauffement climatique rallonge les périodes de sécheresse », explique Keena Stears, zoologiste et expert en communication animale, à The Atlantic. « Il est indispensable que l’on arrive à maintenir le débit des rivières pendant la saison sèche », s’alarme quant à lui Frank Messe, chercheur à l’université d’Eldoret au Kenya. Il semblerait que le vrai coupable soit finalement le réchauffement climatique.