Manipulable à l’envi, le poisson-zèbre offre son corps sans retenue à la science et promet des avancées dans tous les domaines de la médecine.
Il ne fait que 4 cm de long, mais il porte sur ses « épaules » de poisson une grande responsabilité : celle d’aider à guérir, peut-être un jour, le cancer, le diabète et même la dépendance aux drogues. Danio rerio, ou poisson-zèbre, est devenu au cours des 20 dernières années une star des laboratoires.
Plus de 1 200 équipes de recherche du monde entier sont aujourd’hui inscrites à la base de données Zebrafish Information Network, contre 190 en 1998. Pourquoi un tel engouement ? C’est simple : facile à élever et même réputé « increvable », le poisson-zèbre ne prend pas de place, se reproduit abondamment (la femelle pond 200 à 300 œufs par semaine !) et coûte au final moins de 1 % du prix d’une souris.
S’il a été introduit dans le monde de la recherche dès 1970, ce poisson d’eau douce originaire d’Inde, habitué des animaleries, a conquis les labos dans les années 2000, grâce à l’essor de la génétique. « On peut réaliser un grand nombre de tests sur les œufs et avoir les résultats 48 heures après, quand ils éclosent », explique Pierre Drapeau, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neurosciences à l’Université de Montréal. Il a été l’un des premiers à utiliser des poissons-zèbres pour l’étude du système nerveux et a, dans sa « collection », pas moins de 70 lignées génétiques différentes.
Ainsi, avant même de devenir adulte, le poisson-zèbre est sous les projecteurs. Les embryons, qui grandissent hors de la mère et sont entièrement transparents, offrent une possibilité unique d’observer, en direct, toutes les étapes du développement. Moyennant quelques manipulations génétiques, on peut rendre lumineux leurs vaisseaux sanguins ou leurs neurones, colorer certaines de leurs cellules différemment, et suivre l’évolution du cerveau, ducœur ou de l’œil.
Et ce n’est pas tout. « Le poisson-zèbre a la capacité spectaculaire de régénérer ses tissus cardiaques ou même sa moelle épinière », explique Ken Poss, spécialiste de la régénération des tissus à la Duke University, en Caroline duNord. Magique, ce Dario rerio ?
Probablement pas, mais il est assurément très utile. En 2013, son génome a été publié, révélant une surprise : 80 % des gènes qui causent des maladies chez l’humain ont un équivalent chez le poisson-zèbre. À tel point que l’on dispose aujourd’hui de poissons modèles pour des pathologies variées, depuis la fente palatine jusqu’au cancer de la peau, en passant par les maladies intestinales, génétiques, immunitaires ou même neuropsychiatriques.
De son côté, Pierre Drapeau met à profit ses aquariums pour étudier la sclérose latérale amyotrophique, une maladie neurodégénérative. « En 2017, on a trouvé un médicament qui prévient la paralysie chez le poisson, et unessai clinique national chez l’humain est déjà en cours », dit-il. C’est aussi ce que fait Fabrice Berrue, à Halifax, sur les 2 400 occupants de l’installation de recherche sur le poisson-zèbre du Conseil national de recherches du Canada. « On fait du criblage à haut débit sur les œufs pour évaluer l’efficacité et la toxicité de produits de santé naturels, notamment pour Santé Canada », explique-t-il. La flopée d’œufs pondue par le poisson-zèbre permet en effet de tester rapidement des centaines de molécules et d’identifier plus vite les traitements prometteurs. On vous le dit, il n’a pas fini de séduire les chercheurs.