Pourquoi les poissons y souffrent-il ?
Le poisson rouge est un poisson de bassin dont la taille adulte se situe aux alentours d’une vingtaine de centimètres. Oui, vous avez bien lu, une vingtaine. Dans les bocaux ronds – et donc, dans les petits aquariums rectangulaires de 20 à 30 litres – un poisson rouge est littéralement enfermé dans une boîte, ce qui empêche sa croissance. « Il s’opère alors un mécanisme de nanification forcée, qui engendre douleurs et malformations chez le poisson », explique Annie Roi.
« C’est comme si l’on nous enfermait dans une pièce de 5m2 sans aération, avec des pots d’échappements qui crachent en continu »
Autre problème spécifique aux bocaux : pour s’orienter, le poisson rouge, qui a une très mauvaise vue, suit une ligne latérale, parallèle à son abdomen. Dans un récipient rond, il perd ainsi tous ses repères. « L’effet loupe est un vrai désastre pour lui : il va capter tous les mouvements extérieurs et les vibrations qui rebondissent sur la paroi, le plongeant dans un état de stress permanent. Ses défenses immunitaires vont ainsi se retrouver bloquées, et il va développer toutes sortes de maladies contre lesquelles son organisme ne pourra lutter. »
Enfin – et c’est sans doute ce qui contribue le plus à la mort rapide ou, malheureusement, parfois très lente de nos poissons –, un bocal rond ne peut accueillir de filtre. Pourtant, l’installation d’un filtre électrique est capitale dans n’importe quel aquarium. « Sans filtre, il s’asphyxie dans sa propre pollution, créée par ses déjections, sa nourriture stagnante », poursuit Annie Roi. « Ce qu’il se passe pour lui dans son bocal non-filtré, c’est à peu près la même chose que si l’on nous enfermait dans une pièce de 5 m² sans aération avec des pots d’échappement qui crachent en continu. »
Que faire si l’on a un poisson rouge à la maison ?
Si vous ne saviez rien de tout cela et que vous possédez depuis quelques temps un ou plusieurs poissons rouges, deux options s’offrent à vous. Soyons honnêtes, la première est un brin crève-cœur, la seconde, coûteuse.
Première option, donc : confier son poisson rouge à quelqu’un qui dispose d’un bassin extérieur, surtout si celui-ci est déjà peuplé d’autres poissons. Attention, il ne faut surtout pas relâcher son poisson n’importe où ! D’abord parce qu’il pourrait se faire manger tout cru dans les minutes qui suivent sa remise à l’eau si le plan d’eau ne lui est pas adapté, ensuite parce que c’est illégal, d’autant que le poisson rouge se reproduit à vitesse grand V. Par conséquent, il est capable de chambouler tout un écosystème en un rien de temps. Sur le site de l’Association française du poisson rouge, il est possible d’entrer en contact avec des particuliers prêts à accueillir dans leur bassin votre cher petit Maurice. Parisiens, sachez que l’Aquarium de Paris peut aussi lui offrir l’asile dans l’un de ses plans d’eau.
La seconde option est de faire son possible pour améliorer son environnement en aquarium d’intérieur. « À défaut de pouvoir lui fournir un bassin de la taille de deux ou trois baignoires, on peut déjà tenter de lui offrir un aquarium de la taille minimum requise, c’est-à-dire de 50 litres. Et surtout un aquarium qui puisse accueillir un filtre. »
Eau du robinet, décorations en plastique, nourriture non-dosée : de vrais dangers
Ensuite, il est urgent de mettre à la poubelle les éléments de décoration suivants, qui empoisonnent également lentement votre poisson : les billes en verre (ou billes chinoises), qui n’ont aucune utilité et vont accélérer le processus de pollution de l’eau ; toute pièce en plastique, qu’il s’agisse de figurines ou de plantes artificielles, qui sont dans la grande majorité des cas bourrées de colorants. « En revanche, il est très important de tapisser le fond de l’aquarium avec un sol léger, de type substrat naturel, qui offre une filtration biologique supplémentaire à l’aquarium et va rappeler au poisson son habitat », conseille Annie Roi. « Par ailleurs, il faut savoir que les poissons rouges sont des animaux très timides, qui ont besoin de cachettes pour s’isoler et se rassurer. Pour cela, l’idéal reste les vraies plantes, dans lesquelles ils pourront se fondre. »
Autre danger, la nourriture stagnante, extrêmement polluante elle aussi. Il est donc important de ne pas trop nourrir son poisson, sous peine de voir l’aquarium souillé en permanence par les paillettes alimentaires.
Dernier point essentiel : l’eau. Attention, c’est ici que les choses se corsent. Le poisson rouge est un petit être vivant dont la température corporelle ne s’autorégule pas. Ainsi, lorsqu’il nage dans une eau à 20 °C, sa température est à peu près équivalente. Idem lorsqu’il évolue dans une eau à… 0 °C. « Lorsqu’on remplit directement le bocal au robinet, et qu’on remet immédiatement son poisson dedans, ce dernier subit un véritable choc thermique. Il mettra des jours avant de se réchauffer. »
Alors comment fait-on ? On tente dans la mesure du possible de préparer son eau à l’avance, en la laissant une journée ou deux dans une bassine pour qu’elle s’évapore de son chlore et atteigne la température ambiante. Renouveler l’opération une fois par semaine suffit. « Dans le cas où on n’a pas encore de poisson mais où l’on s’apprête à en accueillir un, il faudrait théoriquement laisser tourner l’aquarium à vide, avec son filtre, ses plantes et son substrat, durant un mois avant son arrivée. Ça demande de l’organisation, mais au moins, il arrivera dans un habitat accueillant », préconise Annie Roi.
En bref, le poisson rouge est tout sauf un poisson pour débutants
Le poisson rouge n’est donc pas un poisson d’aquarium, mais de bassin extérieur. Il pollue beaucoup, a besoin d’espace pour s’épanouir, mais aussi de congénères. Si l’on tient à tout prix à s’offrir un poisson d’appartement, il vaudra mieux se tourner vers les poissons combattants, solitaires, plus petits, et supportant mieux l’aquarium. Malgré tout, comme tout animal, il demandera un minimum de soins, semblables à ceux explicités dans cet article.
« L’aquariophilie, c’est de la biologie. En réalité, il est plus simple de s’occuper d’un chien ou d’un chat que d’un poisson rouge », conclut Annie Roi. Nous voilà donc prévenus.