Channas espèces invasives ? Conclusions de l’étude FFA

À la demande de l’Espagne, l’Union Européenne pourrait classer tout le genre Channa sur la liste des espèces invasives. La FFA a chargé R. Allgayer, premier vice-Président, de préparer un dossier qui sera transmis au ministère de l’écologie ainsi qu’à European Aquarium and Terrarium Association et aux instances européennes décisionnelles.


Rapport sur la proposition de placement de la totalité du genre Channa sur la liste des espèces invasives de l’Union Européenne

L’Union Européenne travaille sur sa prochaine liste d’espèces envahissantes pour interdire la détention de nouvelles espèces considérées invasives. Cette liste contient 4 nouvelles espèces de plantes aquatiques : Gymnocoronis spilanthoides ; Hygrophila polysperma ; Salvinia Molesta ; Pistia stratiotes et la totalité du genre Channa.

Les aquariophiles sont étonnés par cette proposition incluant TOUS les channas dans cette liste alors que seuls 2 ou 3 (notamment Channa argus) peuvent survivre dans les eaux tempérées de l’Union européenne, et encore, uniquement dans les pays les plus méridionaux. Il s’agit là d’une décision disproportionnée.

Lors de sa dernière réunion, le Conseil d’administration de la Fédération Française d’Aquariophilie a confié à Robert Allgayer la rédaction d’un rapport sur ce sujet.
Ce rapport sera communiqué au ministère de la transition écologique, aux services de l’Union européenne ainsi qu’à European Aquarium and Terrarium Association.


Requête de l’Espagne à l’Union Européenne

Cette requête émane de la Deputy Direction of Nature (Spanish Ministry of Agriculture and Fisheries, Food and Environment), et demande le classement du genre Channa en tant qu’espèces invasives.
Version d’origine Décembre 2016 – Version finale : 31/01/2017

Les réviseurs scientifiques sont :
David Almeida. GRECO, Institute of Aquatic Ecology, University of Girona, 17003 Girona, Spain (dalmeida@ucm.es)
Quim Pou Rovira. Coordinador tècnic del LIFE Potamo Fauna. Plaça dels estudis, 2. 17820- Banyole
(qpou@consorcidelestany.org)

Dans cette longue demande, la plupart des informations présentées et référencées sont issues d’observations faites aux États-Unis et au Canada (Courtenay W.R. and Williams J.D. 2004), et non de pays plus méridionaux comme par exemple le Mexique.

Fin de la conclusion :
« This species may have economic, environmental and also health impacts. The actual situation in Europe where only in 3 countries there have been records of individual but not confirmed establishment is the best situation to act in banning the trade. »
Ces espèces peuvent avoir des répercussions économiques, environnementales et sanitaires.
La situation réelle en Europe où seuls 3 pays ont signalé des Channa, mais non confirmé, fait que la meilleure décision /serait d’interdire les Channa.

source :
Channa argus – source: YouTube


Position de la Fédération Française d’Aquariophilie (FFA)
L’interdiction de la totalité des espèces du genre Channa en Europe est disproportionnée par rapport aux risques encourus.
Le climat hivernal et la température de l’eau atteinte en France, en milieu ouvert, ne sont pas compatibles avec les exigences des espèces du genre. D’autant plus que le requérant précise bien que seules deux espèces sont susceptibles de passer les barrières climatiques de l’Europe. Ces deux espèces sont Channa argus et C. maculata.
En effet, ces températures sont létales pour l’ensemble des espèces pendant au moins 3 à 4 mois de l’année. Cette température létale se situe autour de 8 °C., alors que la température de l’eau est souvent bien inférieure pendant cette période, même dans la partie méridionale de la France.

« Pour les deux prochaines décennies, un réchauffement d’environ 0,2 °C par décennie est prévu pour une gamme de scénarii d’émissions différents. Même si les concentrations de tous les gaz à effet de serre et les aérosols avaient été maintenues constantes aux niveaux de l’an 2000, un nouveau réchauffement d’environ 0,1 °C par décennie serait attendu (quatrième rapport d’évaluation du GIEC: Climate Change 2007).
 L’émission continue de gaz à effet de serre entraînera un réchauffement et des changements durables dans toutes les composantes du système climatique, ce qui augmentera la probabilité d’effets graves, omniprésents et irréversibles pour les personnes et les écosystèmes. Limiter le changement climatique nécessiterait des réductions substantielles et soutenues des émissions de gaz à effet de serre qui, conjointement avec l’adaptation, peuvent limiter les risques liés au changement climatique. »
(Cinquième période du GIEC – Rapport d’évaluation : Climate Change 2014).

Ces prévisions d’une augmentation de la température due aux changements climatiques ne seront pas suffisantes pour permettre une implantation de plus de 3 espèces du genre Channa.
Channa argus : température minimale de « survie » 4 °C.
Channa bleheri température minimale de « survie » 8 °C.
Channa maculata température minimale de « survie » 8 °C.

Vente courante en magasin
Channa andrao Britz, 2013 Origine Inde, température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa aurantimaculata Musikasinthorn, 2000. Origine Inde, température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa bleheri Vierke, 1901 Origine Inde, température létale : en-dessous de 8 °C.
Channa gachua (Hamilton 1822). Afghanistan à Indonésie, température létale : 18 °C.
Channa lucius (Cuvier, 1831). Thaïlande à Indonésie, température létale : 16 °C.
Channa marulius (Hamilton, 1822). Inde, Pakistan, Cambodge, Thaïlande, Chine, température létale : 16 *C.
Channa pleurophthalma (Bleeker 1851) Sumatra-Bornéo, température létale : inconnue (16 °C. ?).

Espèces maintenues par les spécialistes
Channa argus (Cantor, 1842) Chine. Température létale : probablement sous 4 °C.
Channa asiatica, (Linné, 1758). Chine, Taïwan, Viet-nam. Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa barca, (Hamilton, 1822) Inde, Bangladesh. Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa diplogramma (Day, 1865) Inde. Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa harcourtbutleri (Hannandle, 1918) Myanmar. Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa maculata (Lacepède, 1801) Japon, Chine, Viêt-Nam, Taiwan et les Philippines. Température létale : inférieure à 10 °C.
Channa maruloides (Bleeker, 1851) Indonésie et Malaisie. Température létale : inconnue ; espèce tropicale
Channa orientalis Bloch & Schneider, 1801. Afghanistan, Sri Lanka, Indonésie. Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa pardalis Knight, 2016 Nord-Est de l’Inde. Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa pulchra Britz, 2007 Myanmar Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa punctata (Bloch, 1793) Afghanistan, Pakistan, Inde, Sri Lanka, Népal, Bangladesh, Myanmar et Yunnan en Chine. Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa ornatipinnis Britz, 2008 Myanmar Température létale : inconnue ; espèce tropicale.
Channa stewartii (Playfair, 1867) Inde et Népal, Température létale : inconnue ; espèce tropicale.

Plusieurs espèces ont été maintenues en bassin de jardin en hiver. Ces références sont issues d’associations affiliées à la FFA.
Channa bleheri a été maintenu jusqu’à 7/8 °c sans problème, mais en-dessous les spécimens entrent en léthargie et meurent.
• Des tentatives de maintenance avec Channa asiatica en bassin extérieur n’ont pas réussi en Allemagne et en France.
Channa aurantimaculata et C. stewartii, originaires du Nord de l’Inde, vivent entre 16 et 24° °C, ils n’ont pas supporté l’hiver.
• De jeunes C. aurantimaculata n’ont pas résisté et sont morts durant l’hiver dès que la température de l’eau est descendue en dessous de 8 °C.

Compte tenu de la biologie des espèces du genre Channa, seules trois espèces sont susceptibles, de passer l’hiver sous nos latitudes : Channa argus, C. bleheri et C. maculata.

 

Conclusion :
Compte-tenu des nombreuses inconnues tant dans les données aquariologiques que scientifiques (Fishbase : www. http://fishbase.org/), les conclusions de la Fédération Française d’Aquariophilie ne prennent en considération que trois espèces pouvant être invasives sur le territoire métropolitain français.
Il serait donc inutile, en interdisant la totalité des espèces du genre, de priver les aquariophiles et toute une profession, de la distribution et de l’élevage des espèces dites tropicales, dont, nous le rappelons, la température létale est beaucoup plus élevée que 8 °C.

La Fédération Française d’Aquariophilie demande donc à l’Union Européenne de ne placer que ces 3 espèces sur la liste des espèces potentiellement invasives :
Channa argus, C. bleheri et C. maculata


Bibliographie

Courtenay W.R. and Williams J.D. 2004. Snakehead (Pisces, Channidae)—A Biological Synopsis and Risk Assessment. U.S. Geological Survey circular; 1251). ISBN. 0-607-93720
Kottelat, M., A.J. Whitten, S.N. Kartikasari and S. Wirjoatmodjo, 1993. Freshwater fishes of Western Indonesia and Sulawesi. Periplus Editions, Hong Kong. 221 p.
Présentation de l’évolution des températures de l’eau du Rhin sur la base de températures mesurées et validées de 1978 à 2011 Commission nationale pour la protection du Rhin, Rapport n° 290
Mesures en continu des températures sur quelques rivières des Pays de la Loire. Direction régionale de l’environnement 2007-2017 Pays de la Loire. : 16 pp.

Température des cours d’eau analyse des données et modélisation : application au bassin de la Loire
ONEMA Université François Rabelais de Tours, Laboratoire GéHCO GéoHydrosystèmes Continentaux EA 6293 2016 66pp.

Remerciements

Nos remerciements vont aux aquariophiles pour leurs communications au sujet des Channa et plus particulièrement aux membres du Cercle Aquariophile de Blagnac.